25.04.2025
Un paradoxe nommé DAX
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Depuis début 2024, le principal indice boursier allemand volait de record en record, semblant ignorer complètement les difficultés économiques du pays. Mais, à l’image des autres places financières, il a été secoué par la tempête Trump.

Par Bertrand Beauté
Photo : ©Keystone

20’000 points. Début décembre, le DAX franchissait pour la première fois de son histoire ce seuil symbolique, clôturant ainsi une année 2024 flamboyante avec une hausse avoisinant les 20%. Une performance d’autant plus impressionnante que les indices des pays voisins – comme le SMI en Suisse ou le CAC 40 en France – performaient nettement moins sur la même période. Et rien ne semblait pouvoir arrêter la progression du DAX. Sur les trois premiers mois de l’année 2025, il s’affichait toujours en hausse (+12%) pour atteindre, le 1er avril, 22’500 points. Puis ce fut le « jour de la libération ». À l’image de toutes les bourses mondiales, le DAX a alors dévissé, effaçant en moins d’une semaine – entre le 2 et le 7 avril – tous ses gains de 2025, pour repasser de nouveau sous la barre des 20’000 points. Mais Donald Trump étant imprévisible, sa décision de suspendre le 9 avril ses droits de douane « réciproques » pour 90 jours a relancé le DAX largement au-dessus des 20’000 points, à plus de 21'100 le 15 avril.

Si l’on efface l’épisode trumpien, l’indice allemand surperforme donc depuis début 2024, comme si les investisseurs fermaient les yeux sur la crise du secteur automobile et la conjoncture morose qui plombe l’Allemagne.

Plusieurs facteurs expliquent cette situation qui semble paradoxale. D’abord, les 40 géants du DAX sont certes allemands, mais ils font la majeure partie de leur chiffre d’affaires à l’étranger. Le leader des logiciels d’entreprise SAP, qui n’est autre que la première capitalisation de Francfort avec 280 milliards d’euros au 15 avril, réalise par exemple moins d’un cinquième de son chiffre d’affaires outre-Rhin.

L’économie locale a donc assez peu d’effets sur leur résultat. Ainsi, alors que, sur les douze derniers mois (entre le 15 avril 2024 et le 15 avril 2025), le DAX a progressé de 16%, le M-DAX – l’indice qui regroupe les moyennes capitalisations allemandes qui sont beaucoup plus sensibles à l’environnement local – a stagné sur la même période (+0,7%). Ensuite, la croissance de l’indice phare de la Bourse de Francfort cache de très fortes disparités.

La croissance d’une poignée d’acteurs comme SAP, Rheinmetall, Hensoldt, Munich Re et Allianz a largement masqué la déconvenue du secteur de l’automobile et de la chimie

« Le DAX est tiré vers le haut depuis deux ans par des secteurs très particuliers, comme la défense, les banques et les assurances, alors que l’économie allemande prise dans son ensemble est plutôt dominée par des entreprises actives dans les secteurs de l’industrie de la construction et de la chimie», souligne Fares Benouari, Senior Portfolio Manager à l’Union bancaire privée (UBP). Dit autrement : la croissance d’une poignée d’acteurs comme SAP, Rheinmetall, Hensoldt, Munich Re et Allianz a largement masqué la déconvenue du secteur de l’automobile et de la chimie.

« Les constructeurs automobiles allemands ne représentent plus qu’environ 6% du DAX, tandis que l’entreprise technologique SAP pèse à elle seule 15% de cet indice, souligne Christian Schwab, Head of Portfolio Management Rothschild & Co Wealth Management Germany. Les prestataires de services comme Allianz et Munich Re, qui représentent ensemble environ 12% du DAX, ont également enregistré de très bons résultats. »

Plus récemment, le rallye haussier du DAX a aussi été stimulé par le plan de relance massif adopté par le gouvernement allemand. « Les investisseurs semblent miser sur la croissance future que devrait amener le fonds d’infrastructures de 500 milliards d’euros et l’assouplissement du frein à l’endettement annoncés début 2025 par le Bundestag, confirme Alessandro Valentino, Product Manager chez VanEck. Ces mesures, qui devraient galvaniser l’économie, alimentent l’optimisme des marchés. Par conséquent, les cours des actions pourraient continuer d’augmenter en prévision d’une amélioration de la conjoncture économique, même si le contexte économique actuel reste fragile. »

Dans un tel environnement, est-il encore temps pour les investisseurs de miser sur le DAX ou ses acteurs ? Les avis sont partagés. « Les marchés ont acheté la nouvelle et les perspectives positives de croissance liées au plan de relance, mais c’est presque de la spéculation, prévient Otmane Jai, Investor and Client Advisor du family office MJ&Cie. À court terme, l’Allemagne continue de faire face à des défis économiques et à de nombreuses incertitudes. Si les perspectives sont plus réjouissantes qu’il y a quelques mois, l’Allemagne n’a pas encore vu le bout du tunnel et on ne sait combien de temps il faudra à l’argent du plan de relance pour ruisseler sur l’économie. » 

Christian Schwab, Head of Portfolio Management chez Rothschild & Co Wealth Management Germany, se montre beaucoup plus optimiste : « Bien que les actions allemandes ne soient plus sous-évaluées par rapport à leurs niveaux historiques – avec un ratio cours/bénéfice (PER) actuel d’environ 15,5 –, elles restent nettement plus attractives que les actions américaines, dont le ratio PER est d’environ 22. Par conséquent, une réaccélération de l’économie allemande, alimentée par des mesures de relance budgétaire, pourrait rendre les actions allemandes particulièrement attractives. »

Et cette fois, ce sont les entreprises de plus petite taille qui pourraient tirer leur épingle du jeu, selon Romain Aumond, Quantitative Strategist chez Natixis IM Solutions : « Le DAX semble avoir atteint des niveaux de valorisations que l’on peut qualifier de raisonnables. Par contre, le segment des moyennes capitalisations est encore ‹peu cher› au regard de la politique budgétaire expansionniste insufflée par la nouvelle coalition. La posture plus accommodante de la BCE dans notre scénario central viendra également soutenir les actifs risqués allemands. Nous privilégions les secteurs de la défense, de la technologie, bancaires et industriels - hors automobile. »

Infographie
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