8 entreprises à garder à l'oeil

Le mastodonte des corrections ophtalmiques Alcon voit flou ces derniers temps. Dans un environnement incertain, l’entreprise se montre très prudente en ce qui concerne ses perspectives. En août dernier, Alcon a ainsi abaissé de nouveau ses prévisions pour 2025, anticipant désormais un chiffre d’affaires compris entre 10,3 et 10,4 milliards de dollars, contre une fourchette de 10,4 à 10,5 milliards de dollars auparavant. Une prudence que les marchés goûtent peu : sur un an, l’action a perdu plus de 25% de sa valeur. Pas de quoi inquiéter Christoph Wirtz, responsable des actions chez Rothschild & Co : « Le marché de la santé des yeux est en croissance et Alcon est bien positionnée pour en profiter. »

L’entreprise américano-suisse possède deux divisions : la chirurgie ophtalmique (surgical business), qui représente 56% de son chiffre d’affaires en 2024, et les soins aux yeux (vision care business), comprenant aussi bien les lentilles de contact que de nombreux autres produits comme les collyres. Selon la société, le marché de la chirurgie est estimé à 13 milliards de dollars et devrait croître de 6% par an entre 2024 et 2029. Le secteur des soins aux yeux, quant à lui, pèse 22 milliards de dollars actuellement, et devrait croître de 4% en moyenne par an entre 2024 et 2029.

Pour préserver son avantage, l’entreprise ne cesse d’innover et de faire des acquisitions afin de rester à la pointe. En septembre dernier, Alcon a ainsi bouclé le rachat de la medtech étasunienne LumiThera, qui a développé une thérapie lumineuse pour traiter les personnes atteintes d’une dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) sous sa forme sèche. En parallèle, l’entreprise suisse poursuit actuellement le rachat de Staar Surgical Company, le fabricant des lentilles implantables Collamer, malgré l’opposition du principal actionnaire Broadwood Partners. Last but not least, l’agence américaine des produits alimentaires et des médicaments (FDA) a approuvé en mai dernier le Tryptyr, une solution ophtalmique destinée à soigner le syndrome des yeux secs. Un marché potentiellement gigantesque puisque 1,6 milliard de personnes dans le monde souffrent de ce syndrome contre lequel il existe peu de solutions thérapeutiques efficaces. Une majorité d’analystes recommandent d’acheter le titre qui, selon eux, devrait rebondir en 2026.

Quelles lunettes portez-vous au bout de votre nez ? Ray-Ban, Oakley, Giorgio Armani ou encore Chanel ? Dans tous les cas, il y a de fortes chances que vos montures sortent des usines de l’entreprise franco-italienne EssilorLuxottica. Avec un porte-feuille de plus de 150 marques, la firme s’affiche comme le leader mondial incontesté du secteur des lunettes et des verres ophtalmiques, devant des sociétés comme le japonais Hoya ou l’allemand Zeiss. Un marché en croissance structurelle, puisque le vieillissement de la population entraîne une demande accrue pour les lunettes correctrices.

Mais loin de se cantonner à ce secteur, EssilorLuxottica tente de créer de nouveaux marchés en multipliant les innovations. En partenariat avec Meta, l’entreprise a ainsi lancé en 2023 des lunettes connectées, les Ray-Ban Meta. Un succès inattendu. En parallèle, le groupe a développé les Nuance Audio Glasses, des lunettes permettant de corriger la vue tout en servant d’aide auditive, qui ont obtenu en février 2025 une autorisation de mise sur le marché de la FDA aux États-Unis, ainsi que le marquage CE en Europe. Avec ce produit, Essilor entend bouleverser le marché des aides auditives pour les déficiences légères à modérées qui touchent 1,5 milliard de personnes dans le monde, selon l’OMS. Des innovations qui séduisent les investisseurs : sur un an, le titre EssilorLuxottica s’est apprécié de plus de 30% et une majorité d’analystes recommandent toujours d’acheter l’action.

Un enthousiasme que tempère Pierre-Alexis François, Portfolio Manager chez Thematics Asset Management : « Avec les Ray-Ban Meta, Essilor gagne un angle technologique attractif pour les investisseurs qui parient sur les perspectives de ventes des lunettes connectées. En ce qui concerne les lunettes Nuance, Essilor entre ici en concurrence avec des pure players des aides auditives, comme Sonova, dont les pro-duits sont souvent plus perfectionnés sur la partie auditive. » Afin d’améliorer sa technologie, Essilor s’est offert en janvier 2025 Pulse Audition, une start-up française qui développe des solutions d’intelligence artificielle destinées aux personnes souffrant de troubles auditifs.

Pour Pierre-Alexis François, c’est dans son métier historique que Essilor a le plus de potentiel : « Le marché des lunettes traditionnelles continue de croître. Et Essilor est l’acteur qui innove le plus dans ce segment. » Lancés en 2020, les verres Stellest qui freinent le développement de la myopie chez les enfants rencontrent un grand succès. En septembre 2025, ces derniers sont devenus les premiers verres du genre à obtenir une autorisation de mise sur le marché par la FDA.

À l’image de Alcon, son concurrent dans le domaine des lentilles de contact, Cooper - Companies connaît des moments difficiles sur les marchés. Sur un an, le titre a perdu presque 35% de sa valeur. Et ce n’est peut-être pas fini : le 1er octobre, Goldman Sachs a amorcé la couverture de The CooperCompanies en émettant immédiatement une recommandation à la vente. La banque redoute une baisse des estimations des ventes annuelles.

L’entreprise américaine possède deux divisions : CooperSurgical, destinée à la santé des femmes, qui représente un tiers de son chiffre d’affaires en 2024, et CooperVision, fabricant de lentilles de contact qui assure deux tiers de ses ventes. Sur ce marché très concurrentiel, CooperCompanies est principalement en concurrence avec Alcon et la branche dédiée de Johnson & Johnson. En 2025, CooperCompanies s’attend à réaliser un chiffre d’affaires proche de 4,1 milliards de dollars, en hausse de 4,5% par rapport à 2024, porté à parts presque égales par ses deux divisions (4 à 5% de croissance attendue pour CooperVision et 3 à 3,5% pour CooperSurgical). De quoi séduire les analystes. Si l’on exclut Goldman Sachs, une majorité de ceux qui suivent la valeur recommande l’achat.

En cette année 2025, les bonnes nouvelles se succèdent pour la pépite zougoise Oculis. En janvier, l’entreprise a présenté des résultats cliniques positifs de l’OCS-05 (Privosegtor) pour la prise en charge de la névrite optique aiguë. La nouvelle a secoué la communauté scientifique car ce produit pourrait avoir un effet neuroprotecteur, graal de la neurologie, ouvrant la voie aux traitements des maladies neurodégénératives.

Profitant de cette annonce, l’entreprise a levé 100 millions de dollars, l’une des plus grosses levées de fonds pour une jeune pousse suisse cette année, lors d’une opération d’augmentation de capital sursouscrite en février. Et, début octobre, à la suite d’une réunion positive avec la Food and Drug Administration (FDA), Oculis a annoncé l’avancement de l’OCS-05 dans un programme d’enregistrement pour les indications neuro-ophtalmologiques. Outre l’OCS-05, le pipeline de Oculis comprend deux autres candidats médicaments en cours de développement : OCS-01, pour le traitement de l’œdème maculaire diabétique et de l’inflammation après une chirurgie de la cataracte, et OCS-02, pour la maladie de l’œil sec. Tous les analystes qui suivent la valeur recommandent l’achat du titre.

À l’instar de la pépite suisse Oculis, Ocular Therapeutix fait partie de ces biotechs qui entendent révolutionner la prise en charge des maladies rétiniennes, comme la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA humide et sèche) et la rétinopathie diabétique. Dans le monde, environ 410 millions de personnes souffrent d’une maladie rétinienne, selon les chiffres de l’entreprise. Mais pour l’heure, la prise en charge de ces patients n’est pas sans défaut : 90% des personnes souffrant de DMLA doivent recevoir des injections dans les yeux une fois par mois ou par trimestre. Une intervention qui implique de prendre rendez-vous avec son ophtalmologue très fréquemment et qui pousse bon nombre de patients à abandonner leur traitement.

Afin de résoudre ce problème, Ocular a développé l’Axpaxli, un hydrogel actuellement en essai clinique de phase III (dernier test avant une éventuelle commercialisation) qui devrait réduire la fréquence des injections intraoculaires à une fois tous les six mois. Cette molécule est également en essai clinique de phase I pour le traitement de la rétinopathie diabétique. En parallèle, Ocular possède une autre molécule en développement, le Paxtrava, actuellement en essai clinique de phase II pour le traitement du glaucome et de l’hypertension oculaire. Une majorité des analystes est convaincue par le potentiel de Ocular et recommande d’acheter le titre qui peut s’envoler si les essais cliniques sont positifs et que la FDA délivre une autorisation de mise sur le marché.

Si Meta a choisi de nouer un partenariat avec le géant historique EssilorLuxottica pour commercialiser des lunettes connectées, Google s’allie à un nouvel acteur du secteur. En mai 2025, la firme de Mountain View a annoncé investir 150 millions de dollars dans un partenariat avec l’entreprise new-yorkaise Warby Parker afin de développer des lunettes dopées à l’intelligence artificielle. Peu connue de notre côté de l’Atlantique, l’entreprise fondée en 2010 affiche une croissance fulgurante. En 2024, Warby Parker a enregistré un chiffre d’affaires de 771,3 millions de dollars, en hausse de 15,2% sur un an, avec une marge brute dépassant les 50%.

Et l’entreprise compte maintenir le cap : pour 2025, elle s’attend à des ventes comprises entre 880 et 888 millions de dollars, soit une hausse de 14 à 15%. Pour assurer cette croissance, Warby Parker mise à la fois sur la vente en ligne et sur l’expansion de son réseau de boutiques au Canada et aux États-Unis, où elle vient de dépasser les 300 magasins. Elle y vend ses propres lunettes, mais aussi des lentilles de contact et des produits pour les yeux développés par d’autres entreprises. La moitié des analystes qui suivent la valeur recommandent d’acheter le titre. Les autres de le conserver.

Concurrente du Suisse Alcon, la firme américano-canadienne Bausch+Lomb compte parmi les leaders mondiaux des lentilles de contact. L’entreprise est également présente dans le domaine de la chirurgie ophtalmique, notamment avec la vente d’instruments servant aux opérations de la cataracte, de la myopie et la mise en place de lentilles intraoculaires.

Au niveau pharmaceutique, Bausch+Lomb commercialise plusieurs collyres – des gouttes ophtalmiques – notamment pour traiter les maladies des yeux secs, les infections oculaires, ainsi que pour le suivi post-opératoire. En 2024, la société a enregistré un chiffre d’affaires de 4,791 milliards de dollars, en hausse de 16% sur un an. Une croissance qui devrait ralentir cette année, puisque Bausch+Lomb s’attend à réaliser entre 5 et 5,1 milliards de ventes en 2025 (+4,5 à +6,5%). Une majorité d’analystes recommandent de conserver le titre qui a perdu 20% de sa valeur en un an.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Japon est occupé par l’armée américaine. C’est dans ce contexte que Kyoichi Tanaka, un employé de 19 ans de la boutique Tamamizuya optical, entend parler pour la première fois des lentilles de contact par l’intermédiaire de l’épouse d’un officier américain.

Grâce à ses propres recherches, le jeune homme développe lui-même la première lentille de contact japonaise en 1951 et fonde son entreprise pour la commercialiser. Près de 75 ans plus tard, Menicon est devenu une multinationale qui vend ses lentilles presque partout dans le monde, notamment en Europe, aux États-Unis, en Chine et en Australie. Comme ses concurrentes Alcon, Johnson & Johnson ou CooperVision, l’entreprise peut compter sur l’augmentation des troubles de la réfraction (myopie, hypermétropie, presbytie et astigmatisme) pour voir ses ventes progresser dans les prochaines années. Selon les projections, 4,9 milliards de personnes seront myopes dans le monde en 2050 contre 2,6 milliards en 2020. Sur les cinq analystes qui suivent la valeur, trois recommandent d’acheter le titre, les deux autres de le conserver.